mercredi 8 juillet 2009

Analyses lithoacoustiques et pétrographiques de lithophones, variabilités sur l’origine des matériaux et des techniques de fabrication

Certaines roches frappées d’un coup sec par percussion directe, ont la propriété d’émettre une résonnance musicale pendant un laps temps plus ou moins long. Ces pierres taillées et éventuellement polies par l'homme ont été définitivement appelées des lithophones (lithos : "pierre" ; et phone, du grec phonê, «voix»).

Les lithophones sont des instrument de musique remontant à la Préhistoire (Paléolithique). Ils ont été recensés sur un majorité de continent, notamment en Afrique, Asie du Sud-Est, en Chine, Europe... Ce sont des instruments à percussion directe qui peuvent être aussi frottés. Les lames lithophoniques peuvent former des carillons, ensemble de pierres sonores posés à terre, ou suspendu par divers moyens. Les masselottes qui les frappent sont des baguettes en bois, en corne, ou des pierres. Ces instruments, dont les sons ne dépendent que d'eux-mêmes, les font se classer parmi les idiophones (du latin "idio " qui renvoie à la notion de "soi-même").
Les idiophones, ou autophones, sont des instruments probablement plus anciens que les membranophones (tambours) en raison de la simplicité de leur conception.

Des laves à feldspathoïdes, des phonolites, par exemple, doivent leur nom à cette propriété naturelle qui est aussi partagée par des roches calcaires compactes à grains fins, par des amphibolites, par des roches schisteuses… Percutés, ces roches propagent différents types d’ondes élastiques : les ondes de volume (ondes compressionnelles et ondes de cisaillement), et les ondes d’interface (ondes de Rayleigh, ondes de Love, etc.).

Ma recherche en lithoacoustique (circulation des ondes en milieux solides), qui a démarré en 2004, se fixe sur la manifestation des modes vibratoires dans les cylindres de pierres (lithophones cylindriques). En effet, depuis la Préhistoire, les idiophones lithiques ont servi à émettre intentionnellement des sons codifiés ou musicaux soit en milieux ouverts (déserts, montagnes, collines…), soit en milieux fermés (canyons, cavernes, grottes).

Certains groupes humains, tout en testant et éprouvant les matériaux lithiques pour la fabrication d'outils, ont exploré les capacités vibratoires de ces matériaux pour le plaisir peut-être, dans un premier temps, puis avec la volonté de transmettre cette curiosité naturelle à d'autres personnes.

L'écoute des matériaux lithique s'est perpétuée à travers les temps et les générations comme en marbrerie par exemple, pour vérifier l’absence de fracture dans les dalles découpées. Les pierres sont tenus suspendus entre deux doigts et choqués brièvement. Ce simple test est toujours employé sur les blocs et les bancs de pierre. Les ouvriers, en frappant d’un coup de masse les calcaires parisiens, notent la persistance des vibrations répondant à un «pif», ou à un «paf», ou à un «pouf». Selon le bruit émis, ils savaient si les pierres étaient destinées aux remblais, aux moellons, ou à la sculpture.

I – Typologie sommaire des idiophones lithiques
Comme aucun travail exhaustif n’a encore été lancé sur cette thématique, j'ai commencé à établir une typologie plus précise sur ces idiophones de pierre. Deux grandes familles sont apparues très vite : les lithophones dormants (concrétions souterraines, blocs hiératiques naturellement fragmentés…) ; et les lithophones mobiles (lames de pierres angulaires naturelles, lames de pierres angulaires taillées, pierres cylindriques taillées...).


A) Lithophones dormants (LD) : ces instruments sont intransportables parce que trop volumineux, trop lourds, ou parce qu’ils sont des excroissances naturelles attachées à des parois, ou des figures d'érosion karstiques, par exemple (Lapiaz ou tsinggy). Ces lithophones dormants se subdivisent en 2 sous-groupes :

- 1) Lithophones dormants naturels (LDN)
a) LDN fixes : situés dans les milieux karstiques, comme les concrétions de calcite verticales ou excentriques. Ces idiophones ont probablement instauré des habitudes musicales dans les milieux fermés, parce que situés dans des espaces propices à l’émission de sons en «chambre sonore» (musique architecturale). Les grottes et abris-sous-roche fournissent des ensembles instrumentaux imposants.
b) LDN libres : Certains blocs volumineux naturels hiératiques, alluvionnaires, morainiques, écailles de roches, émettent des sons quand on les frappe avec un percuteur. Certains on été identifiés comme en Abyssinie, sur le plateau de Bandiagara, Oued Djaret, au Sahara (Perrier R., 1996).

- 2) Lithophones dormants manufacturés (LDM)
En Inde, le temple de Vitthala dans le Karnataka renferme 56 colonnettes cylindriques de granit sonore ; de même, la cathédrale de Laon, en France, en possède une très haute en calcaire Lutétien.

B) Lithophones mobiles naturels (LMN) :
Suspendus ou posés, ces lithophones se divisent en deux sous-groupes comprenant les pierres de forme angulaire, généralement lamimaire, ou lames lithophoniques, ou de forme arrondies :

1) Lithophones mobiles naturels angulaires et laminaires (LMNAL)
a) Lithophones mobiles naturels angulaires et posés (LMNAP)
Des ensembles de lithophones hiératiques gravées ont été découverts en 1892 dans les dolérites du sud de l’Inde, dans les Kupgal Hill dans le Bellary district, Karnataka (Boivin & al, 2006).
b) Lithophones mobiles naturels angulaires et suspendus (LMNAS)
Dans le monastère éthiopien de Debré Tsion dans la vallée du Geralta, province du Tigray, les prêtres jouent d’un ensemble suspendu à une branche par des fils.
c) Lithophones angulaires mobiles manufacturés et posés (LAMMP)
En Asie du Sud-Est, au Vietnam, des ensembles de lames de pierres sonores angulaires taillées ont été découverts, comme dans le site archéologique de Binh Dap, de plus de 3.000 ans, dans la province de Dong Nai. A la suite de l’exhumation d’un tumulus, en 1949, Georges Condominas avait mis à jour un ensemble de 11 lames lithophoniques taillées par éclats (réf. : MH. 50.24.101) de l’industrie néolithique bacsonienne, à Sar Luk, au Vietnam central, dans la province de Dak Lak (Condominas, 1974, disque ; Schaeffner , 1951). Daté de près de 5.000 ans, cet ensemble instrumental fut considéré un temps comme le plus ancien du genre. Fin 1980, 200 lames lithophoniques ont été découvertes dans les provinces de Dak Lak, de Khanh Hoa, de Dong Nai, de Binh Thuân (commune de Hâm My), de Binh Phuoc, de Tây Nguyên, de Lam Dong, commune de Son Dien, district de Di Linh, dans les hauts-Plateaux du Centre (18 lames) et de Phu Yen. Les LAMMP, sacrés pour certains groupes ethniques de Tay Nguyen ; font partie de trésors familiaux, car la musique lithophonique accompagne les cérémonies rendant hommage aux dieux et aide à protéger les récoltes.
En Afrique, les Kabiyé ou « Kabré » des montagnes du nord du Togo, conservent encore l’usage du lithophone. Si certains LAMMP ont survécu en Éthiopie et au nord du Nigeria, il semble que chez les Kabiyé ils soient encore joués couramment par les jeunes au cours des rites d’initiation, et même par les enfants dans un simple but de divertissement. De son vrai nom pichanchalassi, qui signifie "le son des cailloux", l’ensemble instrumental comprend 5 lames de dimensions différentes et disposées au sol. Elles sont jouées avec 2 percuteurs en pierre.
Certains LAMMP sont sculpté et polis avec des formes et des styles caractéristiques. Au Vietnam, les temples bouddhistes emploient comme gongs, des disques de phonolite sculptée de motifs et percée d’un trou de suspension (biên khánk). En Chine, de nombreux LAMMP firent leur apparition il y a au moins 2.000 ans. Par exemple le qing (pierre sonore), le bianqing (série de pierres sonores) associé à des tambours et des cloches mis au jour dans le tombeau du marquis Ying des Zeng enterré en 433 av. J.-C. dans le district de Suixian, dans la province du Hubei.
Au Japon et en Corée des LAMMP comportaient jusqu’à 16 plaques de jade ou de marbre. Taillées en forme d’équerre ou de poisson, les lames étaient suspendues à un portique. L’ensemble formait un carillon appelé Pien K’ing (Battesti T. et Schubnel H.-J., 1987). Le père Amiot en 1779, indiquait que le timbre des carillons chinois "tenait un milieu entre le son du métal et celui du bois" (Schaeffner, 1961).

2) Les lithophones cylindriques manufacturés (LCM)
Il s'agit de pierres cylindriques monolithiques manufacturées sculptées puis polies :
Les analyses morphologiques, tracéologiques de ces longs objets monolithes sahariens cylindriques, considérés dans les anciennes classifications comme étant des «pilons sahariens», ont dévoilé un nouveau type d’objets subsahariens : les « lithophones cylindriques » (Gonthier E. 2005). Ces objets préhistoriques transportables, en provenance d’Algérie, Côte-d’Ivoire, Mauritanie, Tchad, Togo…, remontent de 2.500 à 8.500 ans av. J.-C. La grande particularité des LCM tient est d'être diphoniques.

III – Recherches lithocasoustiques sur des idiophones lithiques anciens
La distinction entre idiophones lithiques et d’autres roches sonores naturelles qui n’ont jamais servis à émettre des sons intentionnellement est parfois difficile à différencier. Pour cette raison, et afin d’étendre mes recherches paléo-instrumentales, j'ai recherché des sites appropriés contenant du matériel acoustique en place.

Parmi les objectifs fixés :
Contribution à la recherche des plus anciens instruments lithophoniques connus en incluant des idiophones dans une classification précise ;
Compréhension des modes de fonctionnement des instruments ;
Mise en évidence des phénomènes physiques qui président à leur mise en résonance ;

S’agissant d’idiophones placés en fouilles contrôlées, le croisement des données archéologiques a tenté d'apporter des datations plus précises.
Les études lithoacoustiques par analyses sonographiques ont non seulement dévoilé des notes fondamentales comprenant harmoniques, partielles et résonance (Gonthier E., Tran Quang Hai, 2005), mais démontré aussi que la diffusion des ondes dans les matériaux lithiques suivaient des directions privilégiées (Gonthier E., Tran Quang Hai, 2007). L’idée que cette propagation des ondes est d’un caractère récurrent à tous les lithophones cylindriques transportables (anisotropie ondulatoire avec le support), les recherches préhistoriques à Java ont permis de tester des roches idiophoniques non transportables pour entamer des comparaisons lithoacoustiques révélant d’éventuels plans de translation isophoniques comme sur les lithophones cylindriques africains (LCM).
Suspendu et frappé à son extrémité, un idiophone entre en vibration. Le son se propage de manière longitudinale en émet une série de fréquences audibles d'une durée variable. En 2 millisecondes par exemple l’onde compressionnelle, réfléchie aux extrémités de l’échantillon, parcourant un trajet de 30 à 75cm à des vitesses comprises entre 3 et 6km/s. La nécessité d’enregistrer les sons des concrétions stalactiformes, permet de mieux appréhender les phénomènes de résonance des roches cristallines ancrées au plafond des grottes et placées en milieu isotropique.
Le plus difficile est la mise en connexion chronostratigraphique. Distinguer précisément à quelles couches stratigraphiques pourraient être rattachés les morceaux de lithophones brisés reste encore en suspend.
Les investigations qui s’étendent à la présence des lithophones naturels en calcite sur parois, permettent d’étudier in fine les positions de frappe des anciens instrumentistes. Cette étude porte sur les :
Stratégies techniques non traumatiques (risques de fracturations accidentelles liées à l’utilisation des stalactites ;
Stratégies digititactiles (positionnement des mains en relation avec des positions de corps)
Stratégies podotactiles (accessibilités aux instruments faciles ou plus exigües…)
Orientations techniques (pertinences sonores).

IV – Recherches tribologiques sur des idiophones lithiques anciens
Les lithophones sahariens présentent des stigmates de fabrication rappelant ceux rencontrés sur des outils et des objets cérémoniels rencontrés en Papua-Barat. La recherche en détail des techniques de fabrication à la fois par percussion directe et par polissage direct ou sur végétaux au village d’Ormu-Wari, près de Jayapura, permet d’évaluer avec une certitude plus grande les temps de réalisation des objets finis et de les transposer sur les idiophones transportables sahariens.
De même, ces études technocomparatives menées près des tailleurs d’Ormu-Wari, tiennent compte des stigmates laissés sur les objets sonores. Les études tracéologiques s’intéressent à :
Quantité de perte de matériaux (études volumétriques des matériaux résiduels) et typologie des résidus (poudres, grains, éclats…) ; Impacts accidentels ou naturels (raisons et évaluations quantitatives). En pétrographie, l’étude des textures minérales est essentielle pour connaître à la fois sur le matériel de composition des instruments et aussi sur le matériel périphérique qui a permis leur réalisation. Ces études sur la texture des matériaux inorganiques et organiques est réalisée en : Raman Microspectrométrie , Spectrometrie Infra-Rouge.

Analyses Optiques
Les lustres de grande finesse qui couvrent la surface de certains instruments, nécessitent de trouver des fabricants lapidaires actuels. Les analyses de leur gestuelle et des objets techniques effectués au cours des différentes séquences de travail, apportent nombre de données tribologiques qui permettent une exploration et une comparaison plus objective des conformations des artefacts. En autres :
Morphologie des traces (rayures, plages de polissages, inclusions de matériaux exogènes…) ; Rapport abrasifs/matériaux d’œuvre.

Marqueteries de pierres dures et lapidariat d'art monumental



La Marqueterie de pierres dures est un art dont la fonction est d’embellir des objets mobiliers (tables, médaillers, coffrets...), ou d’habiller en couleur et en textures des structures architecturales monumentales. Cette manière de décorer élégamment les objets, instinctive chez l’homme, remonte aussi loin que la notion d'esthétisme et de conceptualisation existent. Les premiers marqueteurs furent certainement des chasseurs qui personnalisaient certains de leurs effets par des incrustations d’os ou d’ivoire. La naissance de cette pratique lapidaire est commune à bien des régions du Monde et remonte aux époques où des artisans ont été capables de graver, percer et polir des matières solides.
Le palais du Roi Mausole, à Halicarnasse (377-353 av. J.-C.), est un exemple considéré comme une œuvre maîtresse de l’Antiquité. Son épouse, Artémise, possédait des boiseries incrustées de marbre. En Asie Mineure, dans la Turquie actuelle, cet art se développa sous l’Empire Romain. Les lapidaires romains avaient constitué nombre d’œuvres à partir de techniques issues des mosaïques de pierre réalisées à partir de l’assemblage et du collage de petites tesselles angulaires colorées. L’Egypte des Pharaons incrustait dans son mobilier des plaques préformées de gemmes et de pâtes de verre, comme certains objets mobiliers du trésor de Toutankhamon le montrent.
Dès le XIV°s., les lapidaires exécutaient en nombre des coffrets, des coupes, des vases à partir de galets roulés ou de blocs naturels angulaires d’agate, de jaspe, de porphyre, etc., montés le plus souvent sur des structures métalliques précieuses. Le grand duc Ferdinand 1er de Médicis encouragea le travail des artisans lapidaires. En 1588, il institutionnalisa à Florence la « Galerie des Travaux », nommée par la suite « atelier de pierres dures », ce qui déboucha sur la création de l’« Opificio dell'Pietra Dura ». Au début du XVII°s., au moment de l’éclosion du goût décoratif baroque, l’utilisation des marbres polychromes et des jaspes multicolores s’accrut considérablement pour ornementer des objets manufacturés réservés aux souverains et aux papes. Pour l’obtention de ces chefs-d’œuvres, les investissements étaient incroyables. Les temps de réalisation des marqueteries prenaient des années, et s’ajoutait la recherche des matériaux en Italie, mais aussi en Europe, au Proche et Moyen-Orient. Cet engouement pour les pierres marquetées s’étendit aux revenus plus modestes et les effets de mode faisaient leur œuvre. Les dessins des tables de marqueterie, complexes et admirables, offraient à la vue une véritable dimension encyclopédique naturaliste réaliste exposant plantes, minéraux et animaux dont beaucoup étaient déjà employés à des fins médicales et pharmaceutiques.
Jacopo Ligozzi, de l’Académie de Florence, donna des dessins pour la réalisation de plusieurs œuvres en marqueterie de pierres dures. Cet art décoratif faisait la grande renommée de la cité toscane au XVII°s. et Firenze devint par la suite un centre dominant pour la maîtrise de cette technique maniériste, réputée dans toute l’Europe, en France, en Bohême, en Espagne, jusqu’en Russie. Dans cet esprit, les monarques des cours étrangères fondèrent leurs propres manufactures. Ce fut le cas à Prague, capitale impériale, devenue ville résidentielle pour l’empire des Habsbourg et l’une des plus importantes agglomération d’Europe centrale. Rodolphe II (1552-1612), à la générosité légendaire envers les artistes, rassembla au Château de Prague les œuvres des meilleurs artistes des 3 plus importants centres de la Renaissance tardive : l’Italie, les Pays-Bas et l’Allemagne du sud.
Une classification lapidaire et gemmologique, de 1748, dénombra près de 300 variétés de marbres et de jaspes employés en Sicile (Valentina Gagliardo, 2003).

Une première technique est employée, dite à «comesso». Les pierres dures ajustées bord à bord avec une extrême précision, puis collées à la collophane sur une âme en schiste-ardoisier noir, sont exploitées pour créer des touches de couleur ombrées, des dégradés et des effets de texture. La manipulation visuelle est si trompeuse que les artistes ont recréé en pierres naturelles les subtilités graphiques des peintures sur toile. Les effets optiques sont liés à la qualité des ajustages, au dixième de millimètre, mais aussi au choix des matériaux issus des collections médicéennes. Certains effets de couleur sont amplifiés, surtout lorsque les gemmes sont translucides ou transparentes. Des tains sont fixés à plat ou en demi-boule sous ces gemmes (quartz, agates, grenats, rubis...) pour rehausser les couleurs ou créer la sensation de l'orient des perles, par exemple.

Une seconde technique est dite à «intarsio». Il s'agit de l'incrustation de plaques détourées à la forme d'un dessin précis dans des alvéoles creusées (profondeur 6mm) dans du marbre blanc. Chaque plaquette de pierre dure a une forme imposée par le dessin déposé sur le marbre blanc. Elle est déposée,puis collée à la collophane dans les cavités du marbre, ce qui laisse généralement des "réserves" monolithes entre les éléments d'incrustation. Cette technique peut jouer de concert avec l'"intarsion". Leur déclinaison se retrouve entre-autre dans un grand nombre de monuments et églises baroques européens, voire depuis le XVII°s. en Inde sur le Taj-Mahal, par exemple.

Les stucs, les décors à "marmi mischi" à base de marbres et de jaspes siciliens utilisés en Toscane, à Rome, Naples, Gênes, furent considérés comme l’innovation la plus importante apportée par la culture italienne à l’art européen baroque (Valentina Gagliardo, 1998).

DEevant le succès des productions de la marqueterie italienne et des investissements que certains osaient faire pour posséder ces objets de grands luxe, en 1668, en France, Louis XIV recruta des marqueteurs italiens comme Fernando Migliorini, son frère Orazio, Fillipo Bianchi et Gian Giachetti. Il leur demanda d'intégrer les ateliers de la Manufacture des Gobelins à Paris avec en plus la charge d'initier des marqueteurs français. La Manufacture Royale produisit des marqueteries de pierre pour décorer les cabinets et des plateaux de tables. Mais en 1694, après seulement 26 ans de créations, l’atelier ferma. Il faut attendre la fin du XVIII°s., pour que quelques ébénistes, comme Joseph Baumhauer, Adam Weissweiler, Guillaume Benneman, se remettent à couvrir de pierres dures des meubles Louis XVI. Sans doute, pour leurs matières premières, se sont-ils servis sur les reliquats de démontage d’anciens cabinets de l’époque Louis XIV.

La marqueterie de pierre dure a chercher à miniaturiser le monde. Dans ce rassemblement de formes, apparaissent des objets de curiosité. Les dessins avaient la particularité de tout englober l'ensemble des scènes représentées d’un seul regard. Les "armoires aux merveilles", ces meubles d’ébène noir aux nombreux tiroirs à secrets, étaient ornementés, surchargés parfois de ces marqueteries. Chaque trompe-l’œil était un théâtre miniature dans lequel pouvait se dérouler des scènes naturalistes, mythiques, et des scènes de la vie sociale.

Lorsque l’empereur moghol Shâh Jahân entama les travaux du Taj Mahal en 1632, pour accueillir la dépouille de son épouse, Arjumand Bânu Begam, plus connue sous le nom de Mumtâz Mahal (décédée le 17 juin 1631), il chercha avec frénésie à représenter aussi un symbole de la magnificence du Grand Moghol. Cette merveille architecturale de marbre blanc indien, reflète les nombreuses influences timourides, indiennes et européennes, dont se réclamèrent architectes et lapidaires. Le mausolée fut achevé fin 1643 ou début 1644. L’architecte principal était Usad Ahmad de Lahore. Il avait permis de réaliser des frises de pierres dures sur tous les pourtours et embrasements du bâtiment. Des pierres précieuses avaient même été serties dans les marbres proches des dépouilles mortelles.
La mosquée située un peu plus bas fut également décorée de marbre et d’incrustations florales, ainsi que de motifs de chînî khâna. Typiques de Shah Jahan, les colonnettes d’angles présentent à leur base un bulbe, tandis que des fleurs à pétales couronnent la base des coupoles.


Les recherches que j'ai mené avec David Christopher Smith en collaboration avec l’Opificio Delle Pietre Dure de Firenze, avec la Microsonde Raman Mobile portable, ont permis de vérifier les appellations gemmologiques empiriques employées par les artisans florentins depuis la constitution des collections lapidaires par les Medicis. Ces désignations, parfois totalement erronées, restent encore aujourd'hui et en toute conscience, traditionnellement utilisées pour désigner les différentes substances minérales travaillées dans le cadre des restaurations opérées sur place. Cette recherche a porté aussi en détail sur les techniques de fabrication des tables, sur les restaurations, et sur les dégâts liés aux mauvaises manipulations, à des expositions solaires intenses, à Florence, comme à Paris.

Ces recherches ont été menées dans le cadre d’une Action Concertée Incitative financée par le Ministère de la Recherche et dirigée par Marie-Hélène Moncel entre 2004 et 2008. Des articles ont été publiés in - 2009. MONCEL A.-M., FROHLICH F. (édité par) : « L’Homme et le précieux, matières minérales précieuses » - Oxford : British Achaeological Reports, 2009. - 1 vol. Publié par John & Erica Hegges Ldt. Oxford OX2 6RA. pp314. ISSN 0143-3067 ; 1934, ISBN 978-1-407-30248-5.

paléogemmologie

Les substances minérales précieuses, au sens traditionnel, offrent des champs d'investigation multiples. Les aspects de mes recherches actuelles se fixent sur un certain nombre de gemmes et pierres précieuses, et s’intéressent à des objets particuliers préhistoriques comme par exemple les objets de pierre verte, et des objets utilisés depuis la préhistoire à nos jours comme les labrets, les perles, les plaquages de minéraux et gemmes, les objets précieux et rares en contexte archéologique. Parmi les gemmes étudiées des substances inorganiques : quartz, émeraude, jades, obsidienne, fluorite, lapis-lazuli, etc., et des substances organiques : ambres, résines, corail rouge, ivoires...

paléomusicologie


En 2004, le recollement des collections du musée de l’Homme a permis de rassembler un ensemble représentatif de « pilons sahariens ». A partir des travaux de Marceau Gast sur ces pilons, qui soulignait la non appartenance typologique de ces objets à des outils servant à broyer ou à piler, des analyses typologiques ont permis d’établir qu’il s’agissait d’instruments de musique. Des spectrogrammes ont été réalisés pour tenter de comprendre la présence d’harmoniques et surtout de résonances à la suite du contact d’une masselotte par percussion directe sur ces cylindres monolithes.

Les premières analyses lithoacoustiques de ces longs artefacts à section ronde à ovale ont révélé qu’il s’agissait d’un nouveau type d’objets instrumentaux idiophoniques que l’on a appelé « lithophones cylindriques sahariens».

Des analyses acoustiques plus poussées permettant la visualisation de la décomposition du spectre sonore des instruments, ont conduit à la découverte de deux lignes isophoniques distinctes sur les parties longitudinales des pierres, puis au positionnement de plans isophoniques convergents. Cette théorie émergente a permis de comprendre la circulation des ondes sonores dans ces milieux solides, et notamment de révéler la présence de nœuds et ventres situés à des points précis de l’instrument et toujours en symétrie les uns par rapport aux autres. C’est à partir de ces constatations sur la structure sonore des lithophones que sont apparues de nouvelles hypothèses sur les modes d’utilisation de ces instruments. En effet, afin que la résonance puisse être optimisée, il est nécessaire de tenir l’instrument d’une manière très particulière, ce que les expérimentations ont aussi démontré. C’est cette technique instrumentale qui nous a poussés à réfléchir sur les positions physiologiques possibles des instrumentistes.

Des recherches pétrographiques, et des analyses à la microsonde Raman et en microspectrométrie infra-rouge, ont mis en évidence le transport des lithophones sur de longues distances. En effet, les roches employées ne correspondent en rien au contexte pétrographique local de leur découverte. Cela est aussi confirmé par le format des instruments taillés de manière à ce que leur diamètre permettre leur préhension, et que leurs longueurs soient suffisamment importantes pour conserver leurs qualités sonores (timbre) tout en laissant le déplacement et la conservation des objets possible.

L’ensemble de ces travaux reporté aux spéléothèmes de certaines grottes et abris-sous-roches sur des stalactites et des stalagmites, à Java, en Indonésie (Goa Tabuhan), a permis d’affirmer s’il s’agissait vraiment de concrétions instrumentales ou de matériaux accidentellement marqués.

Ces instruments de musique en pierre poli, qui se distinguent des lames de pierre lithophoniques, laissent aujourd’hui envisager de nouveaux points de vue sur : la compréhension des comportements humains aux périodes préhistoriques en particulier dans les abris-sous-roches et dans les grottes ornées ; sur les pratiques instrumentales préhistoriques ; et surtout d’apprécier en direct les résonances et les harmoniques exactes de ces « musiques fossiles » telles qu’elles étaient perçues par les Néolithiques entre 2.500 et 8.000 ans.